14 avr. 2012

Ethnocide à bâbord !

On ne mesure pas toujours les désagréments, prévisibles pourtant, de certains bienfaits sociaux. Quand je dis « désagréments », c'est un euphémisme. On ne mesure donc jamais, disais-je, la nocivité parfaite de nos belles inventions sociales. 

La contraception par exemple. Merveilleux, non ? La contraception a libéré nos femmes d'une terrible servitude : la fidélité. C'est un indéniable progrès, une avancée démocratique. C'est vrai que nous avons parfois, nous les hommes, avalé cette pilule de travers, mais la contraception de nos compagnes nous a délivrés d'une lucidité obligatoire et parfaitement odieuse : devoir sortir précipitamment du bain alors que nous venons à peine de nous y plonger et que l'eau est bien chaude est un abominable crève-cœur. Je sais très bien, inutile de m'en parler, que certains vieux madrés et expérimentés orpailleurs parvenaient mieux que d'autres à demeurer au chaud plus longtemps, si bien que l'eau du bain avait tiédi quand la lave en eux montait irrésistiblement et qu'en même temps l'avenir projetait, dans leur esprit recouvré, l'indicible horreur de la paternité. Ceux-là ne bougonnaient donc pas trop au moment de quitter le chaud fourneau afin de cracher plus loin, dans la sciure : ils en avaient eu pour leur argent. 

L'avortement est une autre avancée majeure de l'humanité occidentale. Pensez un peu : pouvoir, sans craindre les foudres de la justice — Dieu, on s'en fout —, tuer un enfant ! Et le faire en étant, qui plus est, remboursé des inévitables et menus frais de l'opération (téléphone, déplacement, place de parking, etc.). Quel plaisir ! Et dire que, des siècles durant, des femmes qui s'étaient adonnées à ce rare délice étaient rudement châtiées ! Nos ancêtres les Gaulois avaient une conception cruelle des libertés individuelles et des droits imprescriptibles de la personne humaine, vraiment... 

Nous étions des losers, nous sommes devenus des winners, tout cela grâce au militantisme de quelques politiciens aux idées larges et à la compétence de la médecine moderne, son infinie bonté. Remords ? Nada ! Culpabilité ? Zéro ! Chagrin ? Schnol ! Du bonheur et seulement du bonheur.

Sauf que...

Tout a un prix, et nous sommes en train de le payer. Je ne parle pas d'argent, une intervention même énergique du FMI n'empêchera pas le désastre. Il nous fallait jouir maintenant et sans entrave, si bien que nous ne nous sommes pas préoccupés des conséquences hautement prévisibles de notre lubricité. Nos poules ne pondant plus assez d’œufs, la main-d’œuvre vint à manquer. Nous dûmes importer des enfants exotiques, que nous n'avons ni choisis, ni élevés, ni éduqués. S'ils n'étaient que turbulents et un peu plus basanés que nous ne le sommes nous-mêmes, ce ne serait rien. Nous avons fait venir des enfants d'une culture un rien plus rigide que la nôtre ou moins engagée que nous dans le rayonnant avenir. Cette culture ne permet ni la contraception, ni l'avortement. Elle encourage qui pis est la reproduction, le nombre faisant la force (amère vérité que nous dégustons chaque jour un peu plus). Pour notre malheur, les poules de cette race-là sont fécondes à souhait et n'ont rien à faire dans la vie en dehors de s'arrondir neuf mois par an. Les nôtres ont le sein qui déborde outrageusement, mais le ventre triste. Quand elles enflent, c'est pour avoir trop bouffé, mal et n'importe quoi. Les petits blancs dans les maternités commencent donc à s'y faire rares. 

C'est ainsi que, fatalement, en à peine trente années — allez, quarante, soyons larges —, nous sommes en déclin démographique, tandis que nos petites pousses d'importation croissent et se multiplient dans un joyeux désordre et avec la bénédiction fourbi et gourbi de nos autorités autant civiles que religieuses. Majoritaires, nous le sommes encore. Jusques à quand ? Moi qui suis vieux déjà sans être encore très vieux, je ne suis pas assuré de mourir entre nous, entre vieilles gens du pays. Il est même à peu près sûr que ceux-là qui auront la tâche de creuser ma tombe et d'y enfouir mon cercueil porteront des prénoms qui ne seront pas Charles, ni Louis, ni Henri, mais Momo, Moussa, Ibrahim, Salif. Vous me direz que dans l'état où je serai, ça ne me fera ni chaud, ni froid. N'empêche que ça me fait rudement chier. Là, aujourd'hui.

Je lis l'effroi dans vos yeux. Je vous ai coupé l'appétit et filé la pétoche. Vous me dites : « Il faut faire quelque chose ! » J'aimerais pouvoir vous rassurer, vous répondre, clin d’œil complice à l'appui : « On s'en occupe ! » Ce serait mentir. Cassandre a crié en vain, il est aphone désormais, malade, dégoûté. Ce n'est par contre pas mentir ni fantasmer que d'affirmer que tout cela découle non d'une naïveté, d'une implacable et sordide sottise de nos devanciers, mais d'un projet — froidement conçu, patiemment élaboré, rigoureusement suivi — de société universelle uniforme.

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