18 avr. 2012

Little Gouda au pays de Candy

François Hollande, alias Little Gouda, est depuis longtemps déjà donné par tous les sondages vainqueur autoritaire au second tour. Au mieux, il gagnerait avec 56% des suffrages contre 44% à son adversaire désigné, le « candidat sortant », au pire avec 53% contre 47%. Donc, c'est plié, adieu le Fouquet's !

Ces chiffres me laissent perplexe. J'ai beau retourner dans tous les sens les divers sondages et accorder au candidat hollandais les meilleurs reports, je ne vois pas comment, ni par quelle astuce, il parvient à un score relevant du plébiscite, alors qu'on sait qu'il est un choix par défaut et que sa candidature ne suscite pas un enthousiasme débordant, même à gauche. Y a quelque chose comme un lézard dans le fromage. 

En admettant que Hollande soit à 28% au premier tour (il est à 26,5% dans le dernier sondage IFOP), et si on lui offre pour le second tous les suffrages recueillis par un Mélenchon à 15% (à 13,5% dans le sondage IFOP), ça ne fait jamais que 43%. Si on ajoute à cela tous les votes engrangés par les petits candidats de gauche (Arthaud, Poutou, Joly), on n'atteint pas encore les 50%, donc assez loin des 53, 54, 55 ou 56% promis pour le « Grand Soir ». Pour atteindre ces scores, Hollande doit presque tout prendre chez Bayrou (à 10,5% chez IFOP) et quelques voix aussi chez Le Pen (à 16%). Ça me semble très audacieux de croire possible une telle razzia.

C'est une fois de plus le centre qui couronnera le roi. En 2007, Bayrou, plus haut dans les sondages (et au final dans les urnes) qu'il ne l'est aujourd'hui, avait subi plus d'un appel du pied émanant de Ségolène Royal. Le Béarnais s'était gardé d'y répondre, sans repousser toutefois ce pied d'une dame qui avait tout de même des séductions autrement plus bandantes pour un homme que celles, moites et suintantes, de l'ex-conjoint à Ségo. Sarkozy avait donc décroché la timbale, confortablement, sans que Bayrou donnât la moindre consigne de vote. Ses électeurs du premier tour avaient majoritairement reporté leurs voix sur le candidat de droite. Quoi de plus prévisible ? Le centre en France est un centre droit et a toujours été associé à la droite. Jamais le candidat du centre n'a fait partie d'un quelconque programme commun avec la gauche. Bayrou n'est pas né de la dernière pluie, il sait que, même en cas d'entente plus ou moins officielle, jamais la gauche ne lui abandonnera un seul strapontin, et jamais il n'y aura d'accords avec le PS en vue des législatives. Déjà que son propre camp reproche à Hollande de n'être pas assez à gauche, d'où le succès d'un Mélenchon en révolutionnaire apoplectique et choc, ce n'est pas pour ajouter au flan du mou ! Bayrou sait par contre que Sarkozy est parfaitement capable de le nommer à Matignon, et ses électeurs le savent aussi, sinon tous, la plupart. Lorsqu'on a voté pour un candidat finalement éliminé, on se rabat ensuite logiquement sur celui des qualifiés qui offrira à nos idées la meilleure exposition. De ce côté-là, les électeurs du centre ont tout à gagner d'une victoire de Sarkozy.

L'antisarkozysme expliquerait la raclée promise au candidat sortant. Quel antisarkozysme ? Où le voit-on dévorer le candidat de l'UMP, sinon dans les journaux et dans la gueule du socialiste caséeux ? Dans les intentions de votes, Sarkozy demeure bien haut pour un candidat rejeté de tous. Il est au coude à coude avec la « providence » hollandaise, parfois devant, parfois derrière mais de peu, ce qui cadre mal avec la victoire torrentielle, annoncée à grand fracas de buccins, du candidat « normal ».

Il y a une inconnue dans le scrutin à venir, c'est le score que réalisera Marine Le Pen. Les sondages sont très fluctuants à cet égard, mais tous à peu près la voient en constant repli. Au mieux, elle stagne. Rien ne justifie ce repli, surtout que ce repli profiterait non à Sarkozy comme en 2007 (siphonnage annoncé et obtenu), mais à Mélenchon, celui-là même qui ne cesse de taper dur sur la candidate du Front et sur ses électeurs, celui-là même qui récemment encore, à Marseille, chantait son amour du Maghreb et déclarait sa flamme non tricolore aux Arabes et aux Kabyles, jusqu'à les présenter plus estimables que vous et moi — soit une population que les électeurs du FN préféreraient savoir dehors que dedans. Y a un varan dans la confiote, que je vous dis, moi ! S'il est envisageable que Mélenchon prenne des intentions de vote à Le Pen plutôt qu'à Hollande comme il serait logique, alors nous nageons en plein délire et tout devient possible, même que Cheminade coiffe tout ce beau monde sur le poteau ! Et même si quelques brebis égarées se détournaient de Le Pen pour Mélenchon (il y a des fous partout), ce n'est pas une garantie de report automatique de leurs voix sur Hollande au second tour (la folie a aussi ses limites). Quant à croire possible un large et stratégique mouvement des électeurs lepénistes en faveur de Hollande, je n'y crois pas en dehors des intentions et des menaces. La réalité, l'horreur de la réalité les rappellera à l'ordre au moment de glisser dans l'urne le bulletin fatidique. S'ils veulent croire que le mandat de Hollande sera une catastrophe et qu'il suffira de ramasser les morceaux en 2017, ils se fourrent le doigt dans le zœil ! Si la France est en capilotade au bout de cinq années de « rêves réenchantés », l'électeur, qui est aussi un consommateur et un citoyen, ne prendra jamais le risque de se rabattre sur l'aventure nationale proposée même habilement par le FN. Il se donnera donc au plus rassurant des prétendants de l'opposition, soit le candidat de droite, soit celui du centre.

Sarkozy pendant ce temps-là, imperturbable et batailleur, s'en va répétant que la campagne pour le second tour est une nouvelle campagne, comme si les compteurs étaient remis à zéro dans l'intervalle. Eh bien, il a raison. Les compteurs seront remis à zéro en pratique et il n'y aura plus sur le ring que deux adversaires appelés à en découdre — face à face. Le choc sera direct et frontal. Fini le temps des petites piques lancées de loin, comme ces attentats de cour de récréation commis par un revanchard haut comme trois pommes à l'encontre d'un vilain plus grand que lui ! Crachoter en direction de l'ennemi, à vingt mètres, outre que ce n'est pas l'atteindre, cela manque un peu de témérité. C'est une autre affaire que de se retrouver nez à nez avec le vilain et réitérer ce crachat, en l'atteignant cette fois, en pleine face. Hollande ne part pas favori d'un corps-à-corps l'opposant à Sarko. Et il le sait. On a des preuves qu'il redoute ça plus que tout. N'est-il pas contre l'idée de deux ou trois débats directs et thématiques au lieu d'un seul entre les deux tours ? Pourtant, ce serait pour le candidat « normal » la double ou triple occasion de mettre en scène sa normalité, d'en mettre à cet égard plein la vue aux Français supposés en avoir plein les bottes du ludion. Tout le monde verrait à quel point Hollande rassure, comparé au petit nerveux d'en face avec ses tics et ses coups de bluff. Les électeurs encore hésitants auraient enfin l'occasion d'en savoir davantage sur le programme, inouï de justice sociale et de retour garanti de la croissance, du pâtre corrézien. Ben non, Hollande y veut pas. Un débat, un seul, puis l'Élysée. Son rêve, à Hollande, est de finir président et non martyr comme Sébastien. Pour y parvenir, il doit éviter de s'exposer en présence de Sarkozy. Il le sait, et je suis à peu près sûr qu'il sue déjà de l'intérieur à la seule perspective de ce débat cathodique avec le type à l'arc. Sarkozy, lui, n'attend que ça.

Hollande s'y croit, et s'y voit trop pour ne pas être en train de commettre le péché d'orgueil qui pourrait bien l'expédier en enfer plutôt qu'au paradis. Hollande s'y croit, sauf que le Diable existe et qu'il n'a pas lâché son dernier mot. Observez Hollande, écoutez-le : il y est, on a gagné ! Le round de qualification n'a pas eu lieu encore que les petits fours et le champagne sont prêts. Une douce euphorie flotte, un vent de roses souffle. Tant de calme, tant de sérénité, tant de confiance et tant de bonhomie dans le chef du candidat entrant ! Ohé ! François, on est dans la vallée, il reste à franchir l'Aubisque puis le Tourmalet, c'est pas le moment de rêver tout haut et de te voir déjà dans les nuages parmi les miss en rose et leurs froufrous ! Poupou (*), à qui on peut comparer Hollande pour la jovialité et le capital sympathie, n'a jamais pu battre ni Anquetil ni Merckx les teigneux dans la compétition cycliste majeure qu'est le Tour. Il aurait pu, et même aurait dû, à trois reprises au moins, sauf qu'un jour la malchance, la maladresse un autre jour, l'empêchèrent de coiffer jamais des lauriers pourtant promis et même déjà tressés. Comme quoi la peau de l'ours, mieux vaut ne pas la vendre avant d'avoir terrassé l'ours — surtout que l'ours en question est un redoutable et rusé mâle que l'on a tort, selon moi, de croire déjà capturé, soumis, dépouillé. Quand je regarde Hollande, quand je vois ce petit notaire de province promener sa bobine rubiconde et suintante, le bedon en guise d'écharpe municipale et de garantie à vie contre la voracité des grands patrons et des banquiers filous, je ne peux pas rester sérieux et penser que ce gars-là ait la moindre chance de présider un pays comme la France, sauf si la France n'est plus la France, mais un rêve d'épicier — telle une mondaine jadis orgueilleuse et belle, rangée des bals, des éventails et des chapeaux, craignant, l'âge venu et les varices, la solitude et se donnant au premier marchand de cochonnailles à passer, pourvu qu'il veuille et sache encore la gâter parfois, d'une rondelle ou deux de l'appétissant saucisson que je vois là. Quand je considère ce monsieur-là, si imbu de sa replète suffisance, tout rose déjà d'une victoire demeurant à conquérir, l'image à moi s'impose, grotesque, de Little Gouda au pays de Candy.

En 2007, il y avait un tel battage, un tel et si frétillant désir d'avenir autour de Ségolène Royal que, même si Sarkozy menait le bal des chiffres dans les intentions de vote, les électeurs de droite ont craint jusqu'au bout un revers de leur champion, tellement la gauche, toujours si sûre de son jugement et de ses prédictions, avait partout claironné que Sarkozy, représentant d'une droite qui commence à puer, n'avait aucune chance d'être élu président. Royal face à ce dangereux et nauséabond individu n'avait que des atouts. Une femme ! Si belle ! Si charismatique ! Tellement tout ça ! Tellement plus que tout ça ! En face d'elle un nabot, un facho, un Cruchot (*) ! La magie et le charme allaient opérer, si les chiffres regimbaient. Au final que vit-on ? La madone du Poitou en petite culotte rue de Solférino, rasant les murs de son dépit et de sa courte honte... 

Si l'histoire pour Hollande devait encore bégayer dans le sens d'une déculottée et si nous devons cinq ans durant vivre avec en tête la pénible image d'un Hollande en slip, je le déclare tout de suite : Little Gouda for president ! J'aime le cinéma d'horreur jusqu'à un certain point seulement.

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